Demain les rêves

Un album exceptionnel sur le thème de la crise économique!

Agathe vit seule avec oncle Jean  parce qu’elle a perdu son père «emporté par une rafale de vent alors qu’il lavait les hublots d’une banque  de mille étages » et sa mère «avalée par les fourneaux d’une usine qui fabriquait des os en or pour des chiens très, très riches». Le ton est donné, la métonymie n’atténue pas l’atrocité des faits. Une image montre Agathe immobile à côté de la table nappée de blanc comme pour une fête mais vide. Les gâteaux n’y sont que des images qui volent comme les feuilles d’une éphéméride, nourriture virtuelle, délices en toc… « Avec la crise, les adultes aussi s’étaient mis à jouer à la dinette ». 

Demain les rêves. Aujourd’hui, le réel, c’est la crise, l’oncle Jean qui perd son travail, les oiseaux noirs de son esprit remplissent la page suivante. Mais il lutte. Le discours aux chômeurs n’est-il pas  « Ayez de l’initiative, prenez-vous en main, soyez inventif ! » ? Alors il invente ses métiers : dompteur de papillons, facteur pour lettres-gags, cultivateur d’étoiles filantes… initiatives poétiques et vaines.

Mais Agathe se fait un ami, les voilà trois à s’entraider pour contrer la crise. Car « la crise, ça n’aime pas la solidarité et ça cherche à réveiller la peur qui verrouille tout », et les voilà écouteurs des rêves, attentifs aux souffles des autres. Alors on découvre que les autres ont des choses à dire, ils révèlent  leurs souhaits intimes,  les plus simples  ou les plus fous. Et peu à peu, les couleurs de la vie reviennent, les arbres refont des feuilles et « les enfants rêvent et ça, la crise n’aime vraiment pas. »

Un album grave, qui n’édulcore pas la dureté de vivre, et pourtant positif ; non, pas d’espérance lénifiante, le salut pour ici et maintenant vient de cette capacité à inventer la vie, à ne pas accepter ce qui peut être changé. L’ordre des choses, un concept singulièrement friable…que cet album amène à revoir d’urgence, des images bouleversantes d’une jeune illustratrice à suivre avec attention. CCS

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