Florence Aubry - Rouergue, Doado Noir


 En 2008, l’ONU dénonçait la chasse aux albinos en particulier au Burundi ou en Tanzanie. D’abominables superstitions disent que posséder une partie de leur corps,  un bout de leur peau, de leur scalp, porte chance, garantit la pêche, la fortune ou la guérison…

 De cette horreur, Florence Aubry a créé une fiction bouleversante autour d’Heinrich, enfui d’un pensionnat, traqué comme une bête, caché dans un container sur un port d’où il espère quitter ce pays : au début, on n’identifie pas ce qui constitue sa différence, faisant de celle-ci LA différence, somme de toutes celles qui désignent  du doigt un être comme étant Autre. Mais le récit va crescendo lorsqu’on saisit la vie de cet enfant désigné par sa blancheur dans un peuple à peau noire, condamné à l’ombre et à des maquillages qu’il nomme ses rituels, et surtout parce que le rejet  de la différence s’y retourne ici en traque  sournoise et impitoyable. Florence Aubry met en face du « garçon talisman », un personnage symétrique, Val, jeune blanc désespéré par la grave maladie de sa sœur qu’il veut  sauver « coûte que coûte » : l’ironie de cette  formule – et le coût à payer- ne lui apparaitront que bien tard ;  cet artifice  romanesque met un indéniable « tour d’écrou » au dispositif.  Et le livre fait alterner les points de vue  d’Heinrich, « l’enfant talisman »,  de Val et d’un vieil orpailleur au rôle ambigu: l’écriture  est remarquable, particulièrement quand on s’identifie au jeune albinos dont elle nous fait partager les sensations décuplées par son incessante vigilance.

Prudence pour les lecteurs jeunes et sensibles. C’est un  livre  qui secoue mais  il fait l’honneur de la littérature jeunesse ! Publié en collection jeunesse  sans doute parce que le héros est un adolescent, on peut regretter qu’il ne connaisse pas un public plus large.

Claudine Charamnac Stupar