Anne Herbauts - Casterman
Illustrateur : Anne HerbautsL’éditeur dit qu’Anne Herbauts n’est ni dans le texte ni dans l’image mais dans les deux, entre les deux… C’est juste. Anne Herbauts peint ici avec ses mots et ses dessins: d’abord, une maison, isolée dans le ventre d’un 8 au milieu de la forêt ; puis ceux qui la peuplent à petit bruit : une famille, c’est à dire un enfant pâle entre un père qui dit toujours « peut être » et une Mère-Giron qui berce « des états d’âme contractés » avec la musique des noms des fleurs ; il y a aussi le Chat qui a mangé les deux poissons, la Très Vieille qui a « la caboche en moineaux », la Mort, discrète et permanente présence… et une chaise vide « qui remplit de son attente la moitié de la pièce » et d’autres objets pas moins vivants… Dans ce théâtre d’ombres légères surgit une hirondelle, blessée, que la mère soigne tendrement avec des litanies de noms d’oiseaux. Les images d’Anne Herbauts racontent alors l’arrivée du bleu, la guérison, le printemps et l’hirondelle prise par « ce besoin immémorial de partir, de relier les ciels, les bleus et les mers ». Quelle beauté! Car au-delà de la narration, les mots inattendus créent des liens poétiques, creusent un sens métaphysique ; pourquoi appelle-t-elle l’hirondelle Theferless ? faut-il entendre « the fear less » (Sans Peur) accolé à certains noms de héros? Alors l’hirondelle dirait qu’il ne faut pas craindre le bleu, « l’espace, les voyages, les saisons, le temps, le lointain, l’ailleurs » ? En même temps, cette hirondelle a un ventre de cretonne fleurie qui lui donne une bien humaine simplicité, une sorte de lestage domestique. Mais elle écoute le besoin atavique de partir. Quand elle s’envole, ils ont tous « un ciel entier à travers la gorge » et sur les pages finales entièrement bleu uni, le texte annonce simplement la mort de la très vieille. Et l’hirondelle peut alors signifier ce battement d’aile qu’est la vie. Partir sans peur. Grandiose. Claudine Charamnac Stupar