L’intérêt particulier de l’album se situe en premier lieu dans la variation de l’énonciation :
– un première partie (pp. 4-9) au présent de l’indicatif, dont les valeurs sont diverses
– une seconde partie (pp. 10-19) à l’infinitif, temps qui, associé à la nature poétique du texte, prend des valeurs diverses également (a temporalité ou ancrage dans le moment de l’énonciation ou le moment de l’histoire)
– une troisième partie (pp. 20-33) au passé simple de l’indicatif, temps du récit, avec un dernier énoncé (p. 32) qui renvoie au moment de l’énonciation ; autre énonciation intéressante : le conditionnel de la p. 20 qui permet d’entrer dans une virtualité des pages 22 et 23 (représentant les yeux du lion dans lesquels Yakouba est susceptible de lire la pensée de l’animal).

Les pages 10-11 présentent un moment de bascule du texte ( “Il faut apporter la preuve de son courage, et seul, affronter le lion”) avec la formulation “Il faut”, celui qui permet de passer d’un type de texte injonctif à une sorte de discours narrativisé à l’infinitif (on pourrait éventuellement penser que l’expression “il faut” est en facteur commun pour employer une terminologie mathématique), et entrer dans le poétique (“se sentir rocher […] herbe […] vent […] eau”).

1. Lecture magistrale de l’album en omettant les pages de la deuxième partie. Distribution, dans 6 groupes de 4, des images de l’album dans l’ordre. Rédiger la partie manquante.
2. Mise en commun des productions et analyse. Vraisemblablement, le narratif devrait être privilégié (énonciation au passé simple/imparfait). Il s’agit alors, d’une part, d’analyser les choix énonciatifs dans les productions et les justifier en prélevant différents indices dans le texte (nécessité de définir également les valeurs du présent : de narration ? d’énonciation ? de vérité générale ? d’habitude ?) : action que les images représentent, il s’agit d’une initiation, il s’agit d’un jour particulier (répétition avec “C’est un jour de fête”, “C’est un jour sacré”, “C’est un grand jour”), puis lien avec le texte de la troisième partie pour laquelle les verbes sont au passé simple de l’indicatif, l’emploi du connecteur temporel et logique “alors” qui suppose que d’autres actions ont eu lieu auparavant, l’expression page 25 “lion épuisé” peut initier l’idée qu’il y a eu combat entre Yakouba et le lion, etc.
D’autre part, on confronte les productions au texte lui-même afin d’envisager les raisons pour lesquelles l’auteur a choisi ce type d’énonciation (dimension philosophique ou morale de l’histoire ; initiation qui peut se prolonger vers une initiation du lecteur). Il est possible d’envisager un tableau du type grille sémique à partir d’expressions qui seraient équivalentes (injonctif avec “il faut”, impératif, infinitif) en particulier pour dégager la valeur poétique liée à l’emploi de l’infinitif, temps du non-temps, de l’habituel ou du perpétué ; envisager à chaque fois la temporalité et le procès du verbe. On peut définir des sèmes pour chacune des expressions choisies afin d’affiner le sens.

Emetteur Destinataire Nature des propos

 

Se sentir rocher…

herbe… vent… eau

 

Multiple ou

indéterminé

Non identifiable

précisément

 

Multiple ou

indéterminé

Non identifiable

précisément

 

Poétique

Monologue intérieur

injonctif

Injonction

Il faut se sentir

rocher…

 

Non

essentiellement

déterminé mais

identifiable

Yakouba et tout autre

jeune qui sera initié

 

Injonction

 

Sens-toi rocher… Yakouba ou

émetteur

identifiable

 

Yakouba Monologue intérieur

 

3. Avec des élèves, il faudrait, selon l’axe déterminé pour l’étude, constituer une fiche outil “ouverte” que l’on enrichirait et qui permettrait par la suite de définir d’autres utilisations de l’infinitif. Dans tous les cas, le contexte est important, voire décisif. Il faut conclure que le choix énonciatif reste déterminant pour constituer le sens du texte (grammaire de discours).

 

Régis Lefort