Christophe Léon - Oskar


Un journaliste se rend à Buenos Aires. Il a un contact avec un jeune médecin francophone qui accepte de lui raconter son histoire. « Elle est typique de ce que les enfants comme lui ont vécu pendant la dictature du général Vidéla, mais elle est particulière par son dénouement », lui a confié Maria qui a connu Ignacio pendant leurs années d’études. Le roman alterne le récit à la première personne du journaliste et la transcription des bandes d’enregistrement. Le récit saisit par l’urgence du ton : le journaliste dispose de peu de temps, Ignacio, juste âgé de 26 ans, est emporté dans la tension douloureuse de son histoire. Elle est celle effectivement de milliers d’enfants que les femmes de la Place de Mai ont réclamé à cor et à cris. Ses parents exécutés, il est recueilli par l’officier Gutierrez ordonnateur des exécutions, dont le couple est en mal d’enfants. Du bébé qu’attendait sa mère, il n’en apprendra l’existence que devenu adulte. Tout l’intérêt du livre se trouve dans l’analyse que fait le jeune psychiatre de ses années d’ambivalence : déchiré entre révolte et acceptation, le travail de deuil et de paix ne peut se faire que dans la douleur. Enfant, il avait déjà conscience de trahir les siens, d’être comme « anesthésié » par ce qu’il acceptait des Gutierrez. Jeune adulte, ce sera pire encore. Sans pathos, l’auteur amène à réfléchir sur la difficulté de se construire entre bourreau et victime.

Bernadette Poulou