Gwynne, Philip - Casterman


Sur la couverture, une accroche fait référence à CHERUB, série remarquable dont nous avons dit le plus grand bien dans plusieurs numéros. Mais on en est loin, ne refait pas CHERUB qui veut ! Heureusement ! Quelques ingrédients ne suffisent pas pour réussir la recette… Certes les ados grands dévoreurs de séries attendent avec intérêt chaque tome de celle–ci car elle est construite de façon feuilletonnesque, le produit est habilement calibré pour fidéliser le client, la suite au prochain tome… Ainsi ce volume s’avère totalement incompréhensible au lecteur qui n’a pas lu les tomes précédents et sent qu’il a raté des épisodes… Il peine d’autant plus à s’intéresser à un héros qui semble étonnamment vide, sans chair ni épaisseur psychologique alors qu’il parle à la première personne ! Son monologue fait le récit de ses innombrables courses poursuites mues par son obsession à vouloir remplir un contrat avec la mafia qui date de plus d’un siècle : thématique qui aurait pu être tragique mais parfois devient ridicule. Le héros se lance ainsi avec audace… dans la traversée du lac de Neuchatel en pédalo, il dame le pion à des mafiosi armés, avec un skate (volé) : tout cela montre peu d’estime pour le lecteur, invité à juste passer du temps dans un jeu convenu, comme le téléspectateur des séries télévisées. Mais notre rôle de médiateurs du livre jeunesse est cependant interrogé ici : car si un roman n’a pas à fournir de modèles ou contre-modèles, il porte des valeurs et ce d’autant plus que le roman est écrit au je car comme le dit Anne Leclaire-Halté, «la projection du lecteur dans une figure romanesque est l’effet des trois codes constituant
le système de sympathie. Le premier de ces codes joue sur le choix du point de vue narratif : le lecteur s’identifie à qui occupe dans le texte la même place que lui, à celui du point de vue duquel les évènements sont découverts». Or ce héros auquel le Je invite le lecteur à s’identifier, réalise des exploits parfaitement délictueux que la Mafia lui commande, et pour y arriver, vole, resquille, triche et trompe… Les Henderson’s boys étaient autrement intéressants !

Claudine Charamnac Stupar