Alain Serres - Rue du Monde

Illustrateur : Laurent Corvaisier

Alain Serres souhaite ouvrir les yeux des enfants sur notre monde, sans les effrayer avec celui qu’on leur laisse, pour les encourager à imaginer un autre monde pour demain. Dans cet album grand format, Alain Serres laisse parler le poète qu’il est pour partir à la découverte des couleurs, guidé par deux oiseaux, Pok et Pik. Le décor est planté dès la deuxième de couverture : un monde blanc où tout est blanc et tout un chacun se sent comme un aveugle. Pok l’oiseau se cogne contre un arbre blanc. Il en créera le contraste noir-blanc en découpant la nuit. Mais le noir et le blanc suffiront-ils pour dessiner le monde ?
L’histoire des couleurs commence donc. Le rouge naît d’abord, de la blessure de Pok. Entrée en matière cruelle mais qui dédramatise les petites écorchures que se font les enfants. Le vert, couleur de l’espoir, est apporté par une oiselle, Pik. Elle inonde les arbres, l’eau, les pierres, créant ainsi le printemps et l’été. Judicieusement, le vert se décompose en bleu et jaune, pour présenter les couleurs du cercle chromatique. Le monde s’habille petit à petit de couleurs et de dangers. Tous vaincus par notre joli couple qui continue à répandre de nouvelles couleurs, aidés par un petit chaperon rouge, menacés par un chat gris, un renard roux, digressions possibles dans le monde des contes, celui des mots et expressions. Le renard roux prend le relai un instant pour nous guider, tel celui du Petit Prince. La symphonie de couleurs finit étrangement. Pik et Pok seront capturés par le maître d’école et mis en cage pour le plaisir des enfants. Ils apprivoisent les oiseaux, donc les couleurs, donc le monde ? Les oiseaux leur feront un merveilleux cadeau : un oeuf bicolore qu’ils repeindront en mélangeant toutes les couleurs : qu’en sortira-t-il ? Comment sera cet oiseau à naitre, ce monde que les enfants se sont dessiné ? Les illustrations qui accompagnent le texte sont tracées à grands coups de pinceau noir rappelant certaines lithographies. La couleur prend sa place d’abord à l’intérieur de ces traits noirs puis en remplacement, le trait semble maladroit : l’ensemble agréable à l’oeil devrait charmer les enfants.

Véronique Trezeguet-Busquet