Agopian, Annie - Thierry Magnier

Illustrateur : Chaix, Carole

Les auteures remercient l’éditeur d’avoir « dit oui à cet ovni »… Nous voilà prévenus ! Cet album est en effet si étrange qu’on peut lui résister aux premières lectures, mais il finit par être apprécié à sa juste valeur, à la manière des plus grandes oeuvres d’art ! D’ailleurs, il constitue une création originale en son entier : ne passons donc pas à côté du travail de mise en page et des audaces typographiques de Célestin, graphiste salué par les auteures. La lecture de l’album est double. D’une part, le texte dit le visible avec humour, à travers le
chien-narrateur : celui-ci est exaspéré par l’apathie de son maître paresseux. L’animal représente sans conteste le ressort comique de l’histoire qui fera rire les enfants. D’autre part, les images racontent l’invisible avec poésie : on y voit l’incroyable activité cérébrale d’Albert, personnage aux antipodes du héros ; il est timide, maladroit, voire même mutique, contrit et pataud, ce qui le rend évidemment très touchant !
On est donc à la fois amusé du décalage créé par les deux angles de la narration, et irrésistiblement emporté dans les circonvolutions oniriques d’Albert. Celles-ci sont sublimées par la talentueuse Carole Chaix qui nous déroule littéralement le fil rouge page après page. Se jouant des échelles et de l’espace qu’elle étire, agrandit ou détaille, elle habille et structure l’histoire de son trait au crayon à papier, habile et gracieux. On se régale à observer ce qu’il se passe « entre les deux oreilles » d’Albert : les oiseaux qui s’affairent, les rouages d’une machine qui s’emballent… Une ode à l’introspection, à la rêverie et aux émotions. Si l’éditeur conseille l’album aux enfants à partir de 5 ans, l’aspect poétique servi
par un vocabulaire très élaboré (l’abstraction du champ lexical de la pensée) sera davantage compris et apprécié par les plus grands.

Pauline Bestaven