Brunet, Marion - Sarbacane


Le hasard des manifestations fait se rencontrer sept personnages différents par leur parcours – étudiant, chômeur, actif –, par leur âge, par leur histoire familiale, par leur parcours. Un désir profond les réunit : changer la société, sortir des rails imposés, construire une vie différente. Occuper un squat ensemble est le premier pas. Au fil des jours, chacun se révèle davantage, les fêtes alcoolisées, les petits déjeuners sont autant de moments qui permettent d’ouvrir les vannes. Parmi eux, Jeanne, étudiante amoureuse des livres, Basile
qui travaille sur des chantiers exposés. Leur amour naissant est une belle histoire. Le lecteur suit chacun des personnages en de brefs chapitres : Lucie qui a interrompu ses études de droit au grand dam de son père, par exemple. L’auteur évite les clichés en amenant aussi habilement les parents sur le devant de la scène. La variété des réactions montre aussi la difficulté d’être parents. Refus catégorique du père de Lucie au contraire du père de Jeanne, confiant dans les choix de sa fille, tout comme la mère de Basile. Très habile portraitiste, l’auteur parvient en quelques touches à donner corps à ses personnages. Le mode de vie choisi n’est pas présenté comme idyllique : la vaisselle qui s’accumule dans l’évier, la crasse, la promiscuité qu’entraîne une maison ouverte aux amis de passage, tout cela est évoqué. Les différences d’âge entre personnages offrent aussi des perspectives intéressantes : Tonio et Marc les plus âgés de la bande ont dans leurs souvenirs, Ulrike Meinhof. Il faut compter
sur la curiosité du lecteur pour en apprendre davantage sur cette période noire ! Ils seront plus prolixes sur la mort d’Allende, la musique de Victor Jara en étant le point de départ. Jules, étudiant en histoire, est lui, très sensibilisé à la lutte des Républicains espagnols en 36. L’écriture nerveuse traduit bien l’hyper sensibilité de ces écorchés vifs. L’auteur sait aussi trouver une douceur teintée de poésie quand elle aborde avec beaucoup de sensibilité, les scènes d’amour entre Jeanne et Basile. La fin tragique, avec la mort de Basile, amène chacun des personnages à réfléchir sur ce qu’il veut vraiment faire de sa vie. Pour Lucie,
reprendre ses études de droit sera une façon de défendre les plus démunis. Jules choisit de vivre en montagne, au moins le temps de se retrouver, seul avec des bergers taciturnes. Pour Jeanne, il lui faut apprendre à vivre sans Basile. En ce sens, ce roman est un roman d’initiation.

Bernadette Poulou