Chapman, Elsie - Lumen


Voici la suite de Dualed, (cf NVL N° 200) pour lequel on avait marqué nos réserves morales, malgré la qualité du thriller, devant cette héroïne tueuse à gages dont le détachement tranquille à perpétrer ses meurtres sur commande paraissait monstrueux. Très intéressante évolution de l’héroïne ! Dans ce tome 2, dès le 1er chapitre, on voit West devenue formatrice en arts de combat, assaillie de cauchemars liés à son passé de tueuse et essayant d’affronter sa culpabilité avec l’aide de sa psychologue. West a des sentiments et une morale !… qu’on voit à l’oeuvre dans tout le roman, dans sa fidélité aux amis, à la parole donnée, dans son courage à assumer ses fautes, enfin dans sa clémence lorsqu’il lui
faudra réenfiler son rôle de tueuse. Car le thriller reprend, et elle y est bien emberlificotée. Mais cette héroïne est devenue humaine et amoureuse, elle nous touche enfin et nous haletons à sa suite dans une action très bien conçue et parfaitement écrite. Mieux, il y a une dimension psy plutôt bien traitée. On est toujours sur le motif du double mais dans Dualed (tome 1), ce deux faisait référence à cette stupéfiante perversité sociale : une population stérile obligée d’en passer par des fécondations in vitro créant des jumeaux avec les gènes de 4 parents, jumeaux qui s’ignorent jusqu’à ce qu’ils soient désignés l’un à l’autre et obligés de se chasser à mort afin d’éliminer l’un des deux. Cette horreur présentée comme une forme efficace d’eugénisme reste au coeur de cette dystopie et West est une « accomplie » qui a vaincu son double mais Divided renvoie à une héroïne divisée, selon l’acception psychanalytique qui en souligne la souffrance : littéralement coupée en deux, déchirée par cette « double postulation » entre aspiration au bien et pulsion au mal, West se débat douloureusement, acculée par les Maitres à tuer mais tirée vers le haut et soutenue par le garçon qui l’aime de façon absolue. Rien à redire à ce roman palpitant, remarquablement bien fait par une jeune auteure elle-même à la fois canadienne et tokyoïte ! À la fin, bien que cette société épouvantable reste en place, des lueurs d’espoir laissent entrevoir une suite possible, on l’attend avec impatience.

Claudine Charamnac Stupar