Elsie Chapman - Lumen


Pour et contre ce roman dystopique ? Kersh est une ville fortifiée qui doit vivre en autarcie et être capable de se défendre contre un Extérieur à peine évoqué. Cette fermeture totale a conduit à un système pervers pour réduire et sélectionner la population. Deux jumeaux génétiques naissent dans deux familles différentes. Avant 20 ans, l’un des deux doit disparaître tué par son alter ego qui ayant ainsi fait la preuve de ses qualités de guerrier pourra vivre alors une vie normale « d’accompli ». Ce système de meurtres acceptés par le corps social est encore aggravé par l’existence de triche : certains paient un tueur à gages, un Chasseur, pour tuer leur Alt (Alt : alter ego). L’héroïne de 15 ans, West, reçoit l’ordre de trouver et éliminer son « Alt » dans les 30
jours. Celle-ci a justement chargé un Chasseur d’éliminer West. West part en chasse. L’épreuve est si violente que l’héroïne se défend contre toute émotion qui affaiblirait sa carapace. Le point de vue interne à l’adolescente renseigne sur sa glaciation intérieure comme sur quelques interrogations existentielles : a–t-elle légitimité à vivre, plus que son Alt ? Thriller diaboliquement prenant, ce roman plutôt bien écrit appartient au genre dystopique. Un futur possible terrifiant. Des extrapolations technologiques et scientifiques pas si éloignées mais une organisation sociale où la compétition poussée à l’inhumain, tuer pour survivre, semble être une évidence remise en cause par personne. Ces dystopies sont perverses et troublantes par la banalisation de l’horreur. A la différence du polar où on rencontre certes les crimes les plus terribles mais justement combattus comme anormaux. Ici le crime est obligatoire ! C’est l’héroïne à laquelle le lecteur s’identifie qui enchaine les assassinats : en tant que tueuse à gages, elle rencontre juste des moues réprobatrices et l’assassinat entre Alts est moralement justifié par le désir de survivre… Les cadavres sont légion, emportés dans l’indifférence par des Nettoyeurs… On n’a pas boudé le plaisir de lire Hunger Games, dans la même lignée, mais il reste à s’interroger sur le sens et les effets de cette amoralité absolue sur des adolescents, cela mérite d’y réfléchir.

Claudine Charamnac Stupar