Fontenaille-N’Diaye Elise - Rouergue


Ce roman est né des recherches faites par l’auteur sur son arrière-grand-père, le général Charles Mangin, officier à la tête du régiment des Tirailleurs sénégalais, soldats qui se sont illustrés dans le conflit 14/18 et ont vite été oubliés… De document en document, elle est arrivée sur la colonisation de la Namibie par les Allemands. Une extermination en règle a été menée par des idéologues dont les thèses annoncent le nazisme. Parallèlement à ce roman, l’auteur publie Blue book, version pour adultes, chez Calmann– Lévy. Le titre fait référence à un rapport officiel établi par un Anglais sur les témoignages des survivants. La disparition prématurée de son auteur et celle du document témoignent d’une volonté de silence pour cacher le génocide. Eben est le nom du narrateur. Il porte la marque indélébile des méfaits perpétrés sur son ethnie Herero : ses yeux bleus sont la marque infamante résultant du viol de son ancêtre. La commémoration du massacre de sa tribu, la Nuit Rouge, ravive en lui le souvenir des crimes. Les stigmates en sont encore présents. Ecarts sociaux entre Blancs et Noirs, noms de lieux, surtout celui de Shark Island, ile de la déportation, et jusqu’à « la statue de la honte » : «un officier allemand, en uniforme dressé sur son cheval, un fusil à
la main, qui rappelle furieusement Von Trotha. » Germe alors en lui, l’idée de faire sauter cette statue… En appendice, l’auteur s’étonne des coïncidences : au moment où elle écrivait à Paris cet épisode, « des inconnus ont démonté la statue et l’ont déposée au musée d’en face. » Eben ou les yeux de la nuit est un beau texte, fort, qui interroge sur l’histoire oubliée du colonialisme.

Bernadette Poulou