Georges Meurant - MeMo (Editions)


Peintre et essayiste, Georges Meurant est le fils de l’illustratrice Elisabeth Ivanovsky dont l’oeuvre recoupe toute l’histoire de l’illustration : il présente dans cette monographie de 224 pages les plus belles illustrations et des études souvent inédites et fait une biographie détaillée et illustrée de l’artiste. Disparue en 2006, Elisavieta Ivanoskaia était née en 1910 en Bessarabie, région de l’empire russe qui, après la Révolution, sera rattachée à la Roumanie, elle constitue l’actuelle Moldavie. Déjà reconnue à Kuricheff où elle exposait, elle va étudier à Bruxelles en 1932 où Franz Hellens la repèrera vite. Ecrivain flamand de langue française, Hellens l’introduit chez Desclée de Brouwer : années productives, on voit émerger très tôt son style net, épuré, en aplats de gouache minimalistes qui explose dans Bass-Bassina-Boulou, album très « afro-déco » en 1936. La collaboration avec Desclée de Brouwer portera sur 82 livres en 49 ans ! C’est à cette période qu’elle s’unit au poète belge René Meurant avec lequel elle publiera la collection Pomme d’Api. Cette biographie écrite par son fils ne lésine sur aucun détail et donne à voir l’abondance de son activité professionnelle autant que l’intimité d’une artiste, émigrée, la vie d’une famille, l’atmosphère d’une époque. Cette profusion est émouvante dans sa volonté d’exhaustivité. L’extrême connaissance de son oeuvre rend la lecture passionnante ; on voit dans les années 60 Elisabeth Ivanovsky chez Casterman, illustrant des auteurs comme Genevoix avec lesquels elle n’aura aucune relation, « son art devenant un travail » selon les mots de son fils. Il décrit aussi les relations difficiles avec la directrice d’édition Marcelle Vérité qui ne supporte pas que son « illustratrice préférée » ait une oeuvre propre et d’autres éditeurs… Reste que Elisabeth Ivanovsky a participé à l’invention du livre jeunesse de 1930 à 1950. Ultime survivante du groupe célèbre des illustrateurs russes. Son oeuvre est si considérable – 280 titres publiés dans la seule langue française, beaucoup en d’autres langues – que cela a pu brouiller l’image qu’on s’est forgé de son style mais quand on regarde la suite des dessins présentés ici, on reste confondu par leur modernité pointue. MéMo a publié en 2007 la collection des 24 livrets Pommes d’Api sous le titre Les Très petits d’Elisabeth Ivanovsky dont nous avions rendu compte, et Cirkus en 2010, ce remarquable travail pour la pérennité des livres essentiels est à saluer.

Claudine Charamnac Stupar