Géraldine Maillet - Flammarion Jeunesse


Mouvant, agité, plein de ruptures et de contradictions, amusant, fatiguant c’est un journal intime qui est une belle réussite sur la préadolescence d’une jeune fille de 5ème prise dans de nombreux questionnements. D’abord celui de l’existence de son journal dont elle sent qu’il touche à sa fin. Elle veut donc être complète et tout lui confier… Le graphisme est très réussi et souligne l’aspect ludique, dubitatif, brouillon, incisif de la trame du récit. Cela rend tout très vivant. Nous allons d’abord découvrir les souvenirs des vacances en Sicile. Nine décrit ce qui lui reste d’expériences toutes neuves liées aux « différences ». Mais le coeur de l’histoire est la famille recomposée pouvant réunir jusqu’à quarante personnes ! Après un retour sur ses propres problèmes de transformations physiques, boutons, rougeurs… s’ensuit la chaine de soucis que peut procurer
à une préado une fratrie très élargie, compliquée encore par les générations anciennes qui perdurent : grands-mères, arrière-grand-mères…
L’alternance de la garde père/mère met en évidence le très fort attachement à ses géniteurs, combiné cependant avec le malaise né de l’éloignement de plus en plus patent des deux parents, surtout lorsqu’on aborde les problèmes financiers et les soucis du quotidien tels que l’achat de vêtements ou la répartition des charges qui incombent à l’un ou à l’autre. Ce n’est pas de tout repos. Petit, on est heureux mais par la suite qu’est-ce qu’être heureux? Que devenir dans la vie professionnelle? Tous les possibles sont évoqués en glissements successifs, portés par les divers langages que Nine utilise. Les peurs surgissent, ce ne sont plus celles de l’enfance: dormir dans le noir, avoir peur des insectes mais des peurs existentielles. Est ce que je serai aimée ? Est ce que j’aurai des enfants? Serai-je attirante? Je suis moche ! En arrière-plan subsistent les sensations fortes laissées par les aïeules, leurs jugements, voire la manière dont elles se parfument…Puis vient « l’adieu à mon petit journal adoré » car « Je me raconte sur Insta et j’ai déjà 147 abonnés »… Le livre reflète les problématiques actuelles et soulevées à cet âge.

Paule Bloch