Elsa Valentin - Atelier du Poisson Soluble

Illustrateur : Fabienne Cinquin

Texte et images s’entrelacent ici pour un vrai bonheur ! Ne pas se fier à l’aspect paisible de la couverture ! Fabienne Cinquin – qu’on avait connue raffinée mais plus sage dans Rond comme un caillou en bois – a créé des illustrations folles, toniques ; leur palette est pourtant limitée, mais le contraste rouge et vert y est tonitruant ; enfin, très chargées de noir, elles équilibrent les graphismes épais et variés des textes qui s’intègrent dans des compositions remarquables. Il y a bien une histoire ; madame Mouche a mal au ventre, le docteur diagnostique une « déjeunite de Gloups » qui se soigne avec des « pommespoiresabricots »… Quelques semaines après, voici un bébé, Marie Margot. On lit la relation de la mère avec sa fille, les inquiétudes d’une mère («suis-je une bonne maman ? J’ai souvent l’impression d’avoir tort») et les bons conseils de la merveilleuse Docteur Lapin-Wicott : son nom évoque le psychanalyste Winicott qui a tant apporté à la compréhension de la petite enfance, elle est fine psychologue, elle rassure : « les mamans font toujours de leur mieux », « les abeilles bourdonnent et les bébés pleurent, c’est dans l’ordre des choses ». La dernière page montre mère et fille paisiblement endormies. Sur ce récit de naissance, Elsa Valentin superpose, comme un palimpseste, quantité d’autres textes : comptines, chansons, formules connues, contes, toute une culture de connivence que l’auteur découpe, tord, broie, recolle…C’est d’ailleurs du collage poétique que le texte se rapproche, les variations de polices soulignant ces jeux d’incises. Cela peut aller de la comptine « elle en achète trois sept six onze dans un panier neuf » à « ça chatouille ou ça gazouille ? » qui rappelle Knock… en passant par la chanson « Ah, ah, ah oui vraiment, Marie Margot est belle enfant ». Enfin des jeux de mots et calembours émaillent le texte : ainsi madame Mouche doit aller chercher sa fille « à la gare de Riz à 11.37 »… On retrouve l’effervescence langagière qu’on avait aimée dans Bou et les 3 ours. Cependant, ce jeu sur la connivence culturelle interroge, que va retirer l’enfant ? Nous laissons ouverte la question mais nous ne bouderons pas notre plaisir et nous suggérons que le lecteur adulte devra imaginer une nouvelle forme de lecture à haute voix, plus créative, intégrant le chant ou l’aparté…

Claudine Charamnac Stupar