Hélène Kérillis - Léon art & stories

Illustrateur : Hélène Kérillis

On connaît Hélène Kérillis pour sa collection PONT DES ARTS chez L’Elan Vert. Elle ouvre une collection, ART-FICTION, dans cette nouvelle maison d’édition bordelaise, Léon art & stories. Le concept est le même, associant une oeuvre d’art célèbre et une fiction inspirée par l’oeuvre, ainsi qu’une page finale documentaire sur l’oeuvre sous forme de questions–réponses. Quelle est l’originalité du projet ? Il semble d’abord que la sortie de chaque livre soit en lien avec l’actualité artistique : 2013, réouverture du Rijksmuseum pour Le coeur tulipe qui part de l’oeuvre de Rembrandt La Ronde de nuit et réouverture du Musée Van Gogh d’Amsterdam pour La maison soleil inspiré du tableau de Van Gogh, La maison jaune à Arles, d’où la parution immédiate en français, anglais et néerlandais. Le projet est astucieux. Par ailleurs, la fiction est ancrée dans le contexte de la création et une analyse précise des détails du tableau ; une nouvelle mise en scène de ces détails, détourés et isolés, constitue l’essentiel de l’illustration. On y adjoint un narrateur, de brefs textes narratifs,
et des bulles qui font parler les personnages. Ainsi Le coeur tulipe invente une histoire à partir de plusieurs éléments de La ronde de nuit : d’abord le contexte historique, une incroyable « tulipomanie » qui aurait eu lieu entre 1633 et 1637, ensuite la représentation d’un coup de feu inexpliqué et celle d’une fillette mystérieuse qui a une volaille attachée à sa ceinture. Si on connaît le nom du lieutenant des gardes qui est au centre du tableau, l’auteure a inventé le rapport familial de la fillette avec cet officier. Elle y ajoute un jeune narrateur, fils d’un homme ruiné par la fin du commerce des bulbes, qui veut venger
son père. Si la fiction est intéressante, la répétition visuelle des détails du tableau est lassante : six fois le visage de la fillette ne lui donne pas vie pour autant. Dans La maison soleil, l’auteur ne s’est pas contentée d’un tableau La maison jaune mais utilise plusieurs oeuvres de l’époque d’Arles. Le narrateur est Camille, fils du facteur Roulin, dont l’auteure utilise les deux portraits (Le postier et Camille Roulin) mais également La chambre et l’Autoportrait de Van Gogh de 1887. La narration repose sur le regard de cet enfant sur le peintre, à la croisée de l’histoire réelle (la dispute avec Gauguin et l’oreille coupée) et de l’invention plausible : la vie du peintre à Arles, les racontars et le rejet d’une petite ville. C’est un épisode biographique romancé et la construction des images est intéressante, la juxtaposition des détails révélant la folie du jaune qui obsède le peintre. Ces deux ouvrages cherchent à être plus près de l’histoire de l’art que de la fiction. Ils sont d’abord le fruit d’un regard minutieux sur l’oeuvre, puis l’imagination comble les trous, crée l’empathie, libère les
émotions. On attend la suite avec intérêt…

Claudine Charamnac Stupar