Vautier, Anaïs - Ecole des Loisirs (L')


La soupe américaine, c’est la spécialité de Papou, le grand-père venu de Grèce. Il la réserve à ses petits-enfants. Des liens très forts les unissent ainsi qu’avec leur grand-mère. Ces deux-là ont vécu la guerre de 39-45 en Grèce, la chasse aux communistes qui a mené le grand-père en prison et leur a laissé des blessures insondables. Le cancer qui le ronge maintenant resserre la famille autour de lui. L’auteur en trace des portraits sensibles et drôles à la fois. Le père, psychologue de métier, est considéré avec un amusement distancié par ses enfants. La fratrie fait corps face aux parents. Il est peu fréquent de trouver des relations fraternelles peintes avec une telle richesse, loin des stéréotypes habituels. Un appel téléphonique venu de Grèce resserre encore davantage la famille. Il semblerait qu’on ait retrouvé le corps de Milios, jeune frère de Papou, disparu la nuit même où il avait été arrêté. Longtemps la famille a cru qu’il avait réussi à s’échapper, à s’exiler, mais comment expliquer son silence des années après ? Pour les enfants, c’est une révélation. Comme souvent de tels traumatismes sont aussi des secrets… Voilà donc toute la famille partie en Grèce pour  que Papou puisse faire des tests ADN qui permettront ou non de mettre un terme à cette disparition. La richesse de ce roman tient d’une part à l’ancrage historique (excepté ceux d’Alki Zei, peu de romans abordent les déchirements que va connaitre le peuple grec avec la seconde guerre mondiale), d’autre part à la finesse d’analyse des comportements des uns et des autres, des relations qui les unissent. La construction du roman le permet : 2 voix alternent, celle de Mona 14 ans, avec ses attitudes d’adolescente, Johnny, 19 ans qui fait des études d’infirmier et découvre la vie sans s’éloigner de la famille. Légèreté et gravité s’entremêlent. Voilà un roman qui sonne vrai.

Bernadette Poulou