Pauline Penot - Thierry Magnier

Illustrateur : Sabine Panet

Roman enthousiasmant. Il est d’abord à donner d’urgence à toutes les adolescentes liées de près ou de loin à la culture africaine car elles trouveront un écho de ce qu’elles vivent ou côtoient et trouveront matière à réfléchir : un livre d’une telle vérité, d’une telle ouverture, d’un tel réalisme qui ne tombe jamais dans la caricature, est-ce si courant ? Mais tous les jeunes de ce monde métissé qu’est le nôtre le liront avec intérêt et une inévitable empathie pour les déchirements de ces jeunes filles black.

La famille Bocoum vient du Sénégal où elle retourne de temps en temps pour des vacances, gardant contact avec les traditions africaines mais chacune des femmes et filles qu’on suit dans le roman vit bien dans sa vie française de lycéenne, d’étudiante ou de chercheuse, de mère. Solides et dynamiques, elles ne s’en laissent pas conter mais butent toujours douloureusement sur ces origines africaines que l’arrivée de la grand-mère sénégalaise va symboliser, cristallisant tous les conflits intérieurs.

Ernestine, lycéenne qui veut être actrice, se heurte à tous les clichés auxquelles veut la réduire un racisme larvé. Dado, sa jeune tante, scientifique, chercheuse reconnue, pour ne pas transiger sur ses principes de femme indépendante, hésite à s’engager dans une relation amoureuse qui la ramènerait dans la tradition ; au final, c’est des parents (blancs) du fiancé que le problème viendra : dans une visite d’anthologie, le racisme violent et la haine qui s’expriment nous laissent aussi secoués que Dado. Mais le sujet central de ce roman, c’est l’excision. Awa, en terminale, découvre qu’elle est excisée et prend peu à peu la mesure de cette pratique. Révoltée, soutenue par sa gynécologue, elle va prendre en main sa vie, briser les secrets, amener chacun à parler vrai, et enfin protéger sa toute petite sœur de 18 mois que la tradition voudrait mutiler au mépris des lois françaises. Les auteurs car c’est un livre à quatre mains, savent de quoi elles parlent (l’une est médecin), elles connaissent bien l’Afrique et la vérité du quotidien ou des tourments et questionnements de ces femmes est bouleversante. Ce qui n’exclut pas une forme d’humour et de drôlerie : en témoigne le titre « la tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux » qui est un proverbe wolof, chaque chapitre étant ainsi chapeauté par un proverbe pittoresque… Remarquable et salutaire.

Claudine Charamnac Stupar