Yann Fastier - Talents hauts


Yann Fastier, connu pour ses nombreux albums à L’Atelier du Poisson soluble, sort un premier roman pour ados très…détonnant.
Déjà, le lecteur intrigué doit attendre 80 pages pour saisir ce qu’est la volte: une nappe de «condensat fulguratoire»,  les hommes ayant appris à recueillir ces condensations de la foudre les conduisent à travers le désert comme des monstres rétifs ; ces conducteurs de volte chevauchent des aequidions, synthèse de cheval et d’oiseau marcheur, ont d’étranges armes, des pulseurs, des fend-l’azur … Ce bazar futuriste coexiste avec des éléments aux connotations archaïques, les fiacres aux roues cerclées de fer en ville, les tromblons des pillards sans parler du royaume de Gurban où les soldats chamarrés de Son Altesse manient arcs et flèches…
Ce roman est à qualifier de  steampunk, littéralement punk à vapeur : ce  rétrofuturisme dont Jules Verne pourrait être considéré comme un lointain ancêtre (avec son Robur le Conquérant) caractérise un courant littéraire né à la fin du XXe siècle  qui rend un hommage ambivalent à la Révolution industrielle du XIXe.  Il se déploie dans les années 90 comme un sous-genre de la SF, qui mêle uchronie, fantasy, aventures type western mais aussi une notion de futur alternatif tout cela dans une ambiance de ville de l’ère victorienne…Dans ce genre surtout anglosaxon, fort peu d’auteurs français. La gageüre est donc amusante et réussie et on se laisse embarquer dans ce récit d’aventures haletant, fort bien écrit.
Mais surtout , dans la ligne des combats de Talents Hauts, on sait gré à Yann Fastier d’oser présenter une histoire d’amour entre deux héroïnes, qui n’ont pas froid aux yeux, mais que tout sépare a priori, Mink « la fille-garçon du berger de voltes », attachante sauvageonne, brute de décoffrage, qui parle à la 1e personne…  et Dotchin, princesse de BD, belle androgyne ambitieuse, déterminée et dangereuse à l’épée…Courage, coups et blessures. Elles suscitent l’admiration. Dans ce roman pour les 11-16 ans (les héroïnes ont 16 ans), ni dérive, ni complaisance, simplement les héroïnes reconnaissent, à leur corps défendant, que l’amour se moque des normes.

Claudine Charamnac Stupar