Michel Honaker - Flammarion


Dès les premières pages, le lecteur est emporté par une écriture fluide et rythmée. L’intrigue rapidement posée, les personnages campés avec vivacité et précision nous entrainent dans un récit où l’historique se mêle au fantastique. L’agence Pinkerton du nom de son fondateur est une célèbre agence de détectives privés aux Etats Unis où le terme « pinkerton » ou « pink » désigne un détective dans le langage courant. Sa devise, « Nous ne dormons jamais », son logo, un oeil grand ouvert, existent encore. Mêlée à la guerre de Sécession à laquelle elle participera du côté des Nordistes, elle se rendra célèbre en résolvant une affaire de vols dans les trains. C’est précisément le sujet du roman : après trois meurtres de détectives confirmés dans des circonstances aussi mystérieuses que brutales – ils ont été jetés du train – quatre jeunes gens, inexpérimentés, sont recrutés par Allan Pinkerton lui-même. Pour servir d’appâts sur cette ligne qui vient de relier l’est à l’ouest américain, traversant les grandes plaines puis les Rocheuses ? Pour économiser les forces de l’agence ? Volontaires, désireux d’en découdre, portés aussi par le gout de l’aventure, ils ne se laisseront ni manipuler ni effrayer. Pourtant, très vite, ils auraient de bonnes raisons de renoncer : le train n’est-il pas hanté ? D’étranges personnages fantomatiques interviennent, qui seront identifiés comme appartenant à la Brigade pâle, une secte qui a pris part à la guerre de Sécession du côté des Sudistes. Autre mystère : le souffle glacé qui envahit les wagons quand ont lieu les vols… Nos jeunes détectives vont comprendre, après avoir été agressés, que les conditions dans lesquelles cette ligne a été construite ne sont pas étrangères aux phénomènes. En effet, elle traverse des territoires indiens spoliés par l’effraction de la ligne sur leurs territoires ; elle a été aussi le cadre des accidents mortels des ouvriers chinois qui avaient pour tâche de transporter la nitroglycérine nécessaire au dynamitage des roches. Combien de ces « hommes-tonnerres », comme les appelaient les Indiens, laissés enfouis sous les roches par souci de rentabilité sans respect des engagements à rendre les corps ? Et ces âmes sans sépulture ne sont-elles pas le souffle du mal, « le puha »qui est resté dans la montagne comme le dit la tribu paiute ? Michel Honaker offre là un roman très prenant qui invite aussi à la réflexion : la construction de cette liaison ferroviaire rappelle que la conquête de l’ouest s’est faite dans la violence, au détriment des autochtones dont la culture n’a jamais été prise en compte. Dans la violence aussi de l’exploitation des hommes venus travailler sur ce chantier.

Bernadette Poulou