Chiara Mezzalama - Eléphants (Editions des)

Illustrateur : Régis Lejonc

C’est un bel album qui intrigue d’abord par son papier matiéré et la couverture inhabituelle de Régis Lejonc, avec un dessin désuet de 2 enfants surplombé par une figuration satanique qui fait songer à l’imam Khomeiny, le tout encadré de feuillages et circonvolutions d’un exotisme oriental et ancien à la fois. Ce récit est un souvenir personnel de l’auteur, fille de l’ambassadeur d’Italie à Téhéran en 1981, en pleine révolution. Elle y a vécu en centre ville à l’abri d’un jardin immense et abandonné : dedans, les jeux, la nature, la liberté et l’isolement à la fois ; dehors, les bruits terribles de la ville monstre, des explosions, des sirènes antiaériennes. Un jour, un jeune garçon iranien pénètre clandestinement dans le jardin, début d’amitié, ils échangent des petits cadeaux, ce sera bref mais s’il y a peu à raconter, l’épisode amène une réflexion sur dedans/ dehors, les murs qui séparent, ceux qui enferment, ceux qui protègent. Les illustrations méritent qu’on s’y attarde : si quelques pages relèvent de la BD classique, avec vignettes et bulles, la plupart présentent une longue narration illustrée d’une grande image : tout y est enfermé dans des cadres stricts tels les murs qui entourent le jardin, certaines images surchargées évoquent les miniatures persanes, les autres sont figées comme certains tableaux symbolistes, figées comme le souvenir ineffaçable, les teintes sont passées ou assourdies pour évoquer cette vie entre parenthèses aussi loin dans le temps que dans l’espace.

Claudine Charamnac-Stupar