Lowry, Loïs - Ecole des Loisirs


Tout en publiant Le Fils, de l’américaine Loïs Lowry, l’Ecole des loisirs réédite Le Passeur, premier roman d’un cycle entamé en 1993. Et si ce n’est déjà fait, c’est l’occasion de découvrir ce formidable roman dystopique qui a eu un succès mérité. Le Passeur montre une communauté utopique qui a supprimé la pauvreté, les inégalités, la guerre… A quel prix ? Dans cette vie où chacun se voit imposer sa fonction sociale, on ne trouve plus de chômage, plus de divorces, mais pas non plus de vieux trop vieux ni de handicapés… et d’ailleurs plus d’animaux, ni de couleurs, ni d’amour ni de mémoire. Un vieil homme solitaire est le Dépositaire de la mémoire, l’unique, et c’est
justement la fonction de le remplacer que se voit attribuer Jonas le héros. Ce sera pour Jonas le début d’une douloureuse « intelligence » du monde. Une réussite. Dans Le Fils, l’héroïne est une jeune mère qui s’enfuit de cette terrifiante communauté parfaite, à la recherche du bébé qu’on lui a enlevé à la naissance. Quête d’une femme perdue qui n’a pas les clés pour comprendre les aspects les plus élémentaires du monde, quête forcenée d’une mère, le roman est aussi magnifiquement écrit que le précédent. Mais la dimension dystopique se mue ici en fantastique avec un personnage qui est l’incarnation du mal, de toutes les forces du mal. Ce glissement d’un possible de la science-fiction à un irréel symbolique m’a gênée. Mais la puissance initiale du Passeur
irrigue tout ce cycle littéraire de qualité.

Claudine Charamnac Stupar