Carlo Collodi - Milan

Illustrateur : Maurizio A.C. Quarello

Qu’attendre d’une énième publication, fût-elle chez Milan dans la collection Grands classiques, des aventures de Pinocchio maintes fois publiées, illustrées, adaptées, tronquées, saucissonnées pour correspondre à différents âges et collections ? Certes, pour répondre aux critères de la collection il s’agit d’un bel album grand format avec un très beau papier gaufré coquille d’oeuf. Mais comment le texte est-il agencé, découpé, mis en valeur, donné à lire ? Quelle vision nouvelle nous propose l’illustrateur Maurizio Quarello ? Tout illustrateur connu ou reconnu souhaite un jour donner sa version des grands contes ou textes fondateurs classiques. Nous y avons fait allusion dans notre numéro précédent avec les Grands illustrateurs anglais du XIXe. Maurizio Quarello qui a déjà illustré Histoires naturelles et Barbe-bleue chez Milan est un illustrateur très connu en Italie. Il faut tout d’abord souligner que le texte est présenté dans l’album en 36 chapitres et rejoint en ce sens l’origine de sa publication puisque c’est en 1880 que Ferdinando Martini qui dirigeait le Journal des Enfants à Florence demanda à Collodi un récit à épisodes. Celui-ci pour payer des dettes se mit à l’ouvrage et poursuivit son récit « Pinocchio » de juillet 1881 à janvier 1883. Les illustrations de Quarello tantôt en bandeau sur double page, tantôt en vignettes, tantôt en pleine page semblent vouloir nous faire partager les peurs et les angoisses de l’adolescence, à travers des cadrages en plongées sur les expressions des visages et des gammes de couleurs sombres où l’ombre et la lumière intensifient le côté souvent tragique des situations. Mais il met aussi l’accent sur la réalité toscane du XIXe siècle à travers un dessin ferme et précis dans la description des outils des artisans et du quotidien ouvrier qui enferme l’espace, le rend oppressant et contraste avec la beauté dorée des paysages de Toscane. Enfin le traitement réaliste des personnages et leur mise en scène renvoie à la commedia Del Arte, et amène beaucoup d’humour et de poésie à l’ensemble. L’espoir naît de la limpidité des ciels, du vol sécurisant du pigeon, de la beauté de la mer. Tout comme Mazzanti l’un des premiers illustrateurs de Pinocchio au XIXe siècle, Quarello insiste beaucoup plus sur l’aspect Conte du récit, sur le mythe de l’enfance dans la quête de l’expérience, et le désir de se libérer d’une société adulte figée dans des principes d’éducation que sur son aspect moralisateur. La dernière image d’un beau petit garçon épanoui regardant l’avenir avec assurance et enthousiasme est là pour le prouver. Excellent !

Janie Coitit Godfrey