Christophe Léon - Talents Hauts
Soutenu par Amnesty International, ce roman est publié dans une nouvelle collection Les héroïques dont l’objectif est de donner voix à « des héros de l’ombre ». On se souvient que dans les années 1970, Michel Debré a défendu le projet de transplanter des enfants réunionnais, orphelins ou non, dans des Bernadette Poulou
départements métropolitains où l’exode rural devenait problématique. Si d’un côté, les avantages matériels étaient mis en avant (études payées, entourage familial), la réalité se révéla bien différente. Exploités dans des fermes, parfois maltraités, le suivi social ne fut pas à la hauteur. Et il a fallu que quelques-uns de ces enfants devenus adultes reprennent la parole pour dénoncer des situations honteuses. Christophe Léon choisit de faire revivre cette histoire à travers les yeux d’Odélise qui vit avec sa famille dans un endroit reculé, Grand Bassin, un de ces lieux qui par leur difficulté d’accès accueillirent d’abord des esclaves marron. Très vite elle apprend à composer : elle devient Odile pour sa famille d’accueil, petit négresse pour le village voisin. Odélise pour rester fidèle à sa famille, à ce qu’elle fut, s’invente un double, Zeïla, qui l’aide à survivre à l’arrachement. Ce choix narratif est astucieux car il met l’accent sur les stratégies qu’un enfant peut développer pour conserver son identité. Devenue adolescente, traumatisée par le viol, elle apprendra à ses dépens que la vérité n’est pas bonne à dire. Victime de l’hypocrisie, du silence imposé, il lui faudra d’autres blessures pour se révolter et fuir.