Boisset, Eric - Magnard Jeunesse


Au début de l’histoire, on se croirait dans un fantasme d’Irlande médiévale… Godfraidh le vieil aveugle qui joue de la harpe, les cartes anciennes, les titres en gothique, les enluminures, sans parler des chauves-souris porteuses de messages… Mais dès le chapitre 2, voici les Romajaads, grands lézards humanoïdes dont l’alliance avec les humains semble précaire et porteuse de lourdes menaces, thématique de science-fiction depuis La guerre des salamandres. Et puis, on voit le vieil harpiste réaliser des guérisons miraculeuses, voyager sur son idalys, cheval ailé tel Pégase, comme tous les mystagogues qui ont des pouvoirs fabuleux : nous sommes donc en pleine fantasy et, menée de main de maitre par l’écriture d’Eric Boisset, La prédiction vous entraine dans 400 pages qui créent quantité de noeuds narratifs plus excitants les uns que les autres et… Goddam ! On vous plante là selon le plus abject principe du feuilleton comme on n’ose plus en faire !! Vous pestez ! Mais le tome suivant La révélation arrive moins de 3 mois après. Et votre voyage peut continuer
dans un plaisir de lecture continu. Ces 2 tomes – à ne pas séparer donc ! – forment un ensemble excellent. Les différentes « tribus » terrestres et pas seulement humaines, sont fascinantes. Les 2 jeunes héros, frère et soeur jumeaux, feront converger toutes les identifications du lecteur tant ils sont exceptionnels, souffrants mais courageux, aimants et dotés d’une structure morale qui les fait résister à toutes les épreuves. Bien écrits et
admirablement structurés pour piéger le lecteur, les 2 ouvrages sont bourrés de références
culturelles les plus diverses, historiques ou actuelles qui réjouiront les amateurs. Un exemple : l’initiation des jeunes qui vont devenir des mystagogues après un dur parfois mortel entrainement se fait à Shaoram ; on pense au monastère de Shaolin et d’ailleurs, pour restaurer leur force perdue et leur intégrité, littéralement se « mettre en charge », ils apprennent à « étreindre les feux », action qui rappelle la méditation dans la posture dite de l’arbre par les pratiquants de certains arts martiaux. Mais nul besoin de reconnaitre cela pour
gouter une sorte d’oecuménisme de la sagesse et malheureusement aussi une permanence de comportements humains regrettables. Le tome 3 sera accueilli avec gourmandise.

Claudine Charamnac Stupar