Jean Elias - Motus

Illustrateur : Anastassia Elias

En quatrième de couverture, cette phrase qui résume l’esprit de ce recueil de poèmes : « Je rêve que chaque nuit je me rends à l’école pour y apprendre la langue maternelle des rêves ». En effet le livre pourrait presque être présenté comme une « boîte à outils » destinée à nous (enfants et adultes) faire rêver. Tous les poèmes, très courts, commencent par « Je rêve » et cela pourrait paraître ennuyeux si justement les rêves ne s’affolaient pas, dans une transgression qui rappelle le « Ce n’est pas la crainte de la folie qui nous forcera à mettre en berne le drapeau de l’imagination » d’André Breton. On est le plus souvent dans des rêves pleins de merveilleux mais aussi pour certains sarcastiques, d’autres comiques. Mais le rêve autorise aussi dans sa folie une part de tragique : « Je rêve d’une vie de rêve que je dessine à l’encre sympathique Mon rêve s’évapore Et j’oublie d’en faire une photocopie ». Ainsi, on a l’impression en lisant ces poèmes que la frontière entre la réalité et les rêves n’est pas étanche pourvu que l’on sache les exprimer. Le livre est aussi une incitation à une forme de « débauche
lexicale » à partir de mots simples et peut constituer le prétexte pour passer avec des enfants (et des adultes !) du statut de lecteurs à celui d’auteurs et à ce titre, les pousser à composer des textes. Ce recueil nous rappelle que les mots peuvent être à eux seuls porteurs de rêves et que la langue, quand elle est bien maniée comme ici permet à la fois une appréhension de l’existence et du quotidien et une forme d’émancipation de la réalité pour mieux la subvertir. C’est d’ailleurs certainement la fonction des illustrations d’Anastassia Elias, sans couleurs, qui collent parfaitement aux textes tout en ayant un caractère assez réaliste.

Jean-Claude Bonnet