Heliot, Johan - Seuil Jeunesse


Ce roman dystopique est tout à fait conforme à l’air du temps et à l’esprit des médias devenus consubstantiels des jeunes lecteurs actuels et de leur mode de lecture. Notons d’abord les titres : tome 1, On a fait d’eux des ignorants…elle veut les libérer ; tome 2, Ils sont devenus des bannis…elle veut les guider. Ces titres sont des phrases programmatiques, vous avez le « pitch », vous pouvez considérer que vous avez lu les livres ! Ensuite, l’affiche, pardon, la couverture : visage de top model à la perfection photoshopée, yeux bleus très maquillés et lèvres blanches, habillée de feuilles mortes et coiffée d’une dépouille de renard, et voilà instillé du primitif à la construction très actuelle d’une héroïne qui soit « l’avenir de l’homme » !… Le montage, cinématographique, après avoir séparé dès le 1e chapitre le frère et la soeur, nous fait alternativement vivre leurs deux aventures parallèles. L’histoire est bâtie sur l’idée du cataclysme qui détruit la civilisation, ici, le danger des virus. Le roman décrit, selon une dystopie classique, un Après chaotique, un retour à la barbarie et à la survie élémentaire, mais aussi, des mutations des vivants et c’est sans doute le plus intéressant du roman : imaginer « le vert monde », sorte de symbiose entre humain et végétal, imaginer des implants neuronaux qui font de certains humains des soldats (au sens propre, à la solde d’un pouvoir) quasi invincibles sans parler des injections dans la circulation sanguine de nanorobots qui réparent les blessures, cela ne manquera pas de passionner le lecteur tout comme les extrapolations autour des dangers de la guerre biologique ou autour de nos peurs légitimes des virus. Les personnagessont sommaires, leur savoir limité par un passé d’esclave décérébré les rend naïfs devant ce qu’ils voient et le lecteur n’est guère plus avancé, maintenu dans une confusion parfois qui remplace le suspense. Mais la lecture n’en reste pas moins propre à éveiller une réflexion sur le monde actuel. « Le mondeconnu ressemble à un mensonge. Une histoire déformée par le passage du temps, l’effacement de la mémoire des Anciens, l’interprétation fantaisiste et apeurée de leurs archives par leurs lointains descendants… Jorka cherche à donner un sens à cette histoire. » Cet écho à notre actualité de début 2015 me parait pertinent pour nos lecteurs adolescents et le tome 1 a eu le Prix de la Nouvelle Revue Pédagogique.

Claudine Charamnac Stupar