Gaïa Guasti - Thierry Magnier


« Sept lettres, pour passer de l’autre côté, pour comprendre ce qui se passe dans la tête d’un mauvais élève ». La parole est enfin donnée à celui dont la voix s’est tue; puisque les mots, ces instruments de l’éducation, sont ceux-là même qui l’ont mis en échec. « Est-ce que c’est trop tard […] ? Est-ce que toute ma vie je n’aurai pas les mots qu’il faut pour dire les choses, est-ce qu’ils vont rester dans ma tête à tourner en boucle et à me rendre fou ? » La voix intime d’un archétype, rebattu mais toujours énigmatique, réduit par le jargon qui le désigne (le « nul », « dernier de la classe », en « difficulté », en « décrochage scolaire »…) et condamné à une position sociale laquelle cristallise dès tout jeune une appréciation de soi, et le regard de l’autre.
La première lettre est destinée aux parents : « Demain, devant mon bulletin catastrophique, nous allons jouer une double comédie : moi qui suis triste à mourir je ferai semblant de rien, et vous qui êtes résignés d’avance, vous aurez l’air terriblement déçu. ». Les suivantes sont pour les spectateurs, contributeurs ou responsables de la situation. Certains profs, d’autres élèves, la ministre de l’éducation : « Mais est-ce que vous savez ce que ça fait lorsque pendant des années, huit heures par jour, vous vous sentez un crétin fini ? Essayez de vous motiver après ça […]. Alors qu’un ministre, maintenant, vienne me raconter que je suis au cœur de ses préoccupations, et que désormais tout va changer, désolé, je n’y crois pas. Fallait y penser avant. »
Ecrit par Gaïa Guasti, très engagée dans la communauté éducative, ces lettres dressent sans emphase le constat des échecs et le dysfonctionnement d’un système dont les élèves sont les victimes impuissantes, sans oublier les enseignants, avec dans leur regard « ce sentiment flottant d’une catastrophe annoncée ». Mais, l’ouvrage n’est pas totalement défaitiste : le jeune adolescent s’empare de ses propres mots pour manifester son problème et demander de l’aide. Restons donc optimiste et espérons que ce livre puisse accompagner d’autres enfants.

Pauline Bestaven