Servant, Stéphe - Thierry Magnier

Illustrateur : Houdart, Emmanuelle

Quelle magnifique collaboration que celle de Stéphane Servant et Emmanuelle Houdart ! Cette dernière interprète et enrichit la poésie concise et évocatrice du texte, à travers des tableaux foisonnants de détails qui pourront à leur tour être interprétés par le jeune lecteur. Au coeur de cet album, l’immensité de l’amour maternel, et le caractère double du lien filial : l’ambivalence entre, d’une part, l’amour fusionnel, et d’autre part, la séparation fatale et nécessaire. Les illustrations, elles aussi ambivalentes, développent généreusement un univers animal et végétal, où se côtoient à la fois le merveilleux et le monstrueux, le doux et le cruel, et dans lequel évoluent des personnages hybrides. La mère décrite est complexe et multiple, tantôt louve, tantôt renarde, ou tantôt jardin, elle reste mystérieuse : « Ma mère a l’amour fleurs de peau. Un jardin tout entier. Herbes folles, bruyère, lilas ou chardons. On
s’y coupe, s’y frotte, s’y blottit ou s’y pique. Très tôt, avec mon père, nous avons appris à jardiner ». D’abord nourrice, contenante et enveloppante, elle devient fuyante, engendrant tristesse et frustrations. Parallèlement, des objets récurrents, à forte charge symbolique, traduisent ce qui est en train de se jouer depuis le début : les ciseaux annoncent la séparation, le tricot et la lampe signifient la transmission… À la fin, la mère, mi-oiseau mi-arbre, s’envole, et les objets passent naturellement aux mains de l’enfant. L’issue n’est pas triste puisque le livre se ferme sur une certitude : la permanence du lien, malgré tout. Les jeunes lecteurs seront fascinés par la féérie ambigüe et inquiétante des images. Un très bel hommage aux mères qui fera aussi un beau cadeau pour celles sur le point de le devenir.

Pauline Bestaven