Julia Billet - Ocean Editions


Petites histoires de quartiers est un superbe recueil de nouvelles publié par une maison d’édition de La Réunion. L’auteur s’est appuyée – comme elle le précise dans la préface – sur le travail de l’Observatoire
des inégalités. « Cette association va bien au-delà de toutes les frontières sociales, politiques, culturelles et nous met sous les yeux les dysfonctionnements de notre société ». Tel est son propos à travers ses
nouvelles. Julia Billet, avec beaucoup de sensibilité, a su donner corps et âme aux données chiffrées recueillies par l’Observatoire des inégalités. Chacune des nouvelles témoigne d’une situation inacceptable mais pourtant bien ancrée dans notre actualité. Ainsi l’on va du racisme ordinaire qui amène à poser la question stupide des origines – c’est la nouvelle qui ouvre le recueil – au vécu lié à la couleur de la peau. Il y est question de toutes les formes de discrimination, comme celles qui mettent à l’écart des enfants trisomiques, ou encore les gitans. L’auteur dénonce avec force les marchands de sommeil qui ne se sentent même pas coupables de la mort des occupants dans un incendie. Chacune des nouvelles fait mouche dans une écriture acérée et pleine de finesse. On sent le goût du mot juste, de celui qui touchera le lecteur. La nouvelle intitulée « Plus vrai que littérature » est un bel hommage à la littérature et à son pouvoir. L’auteur y relate comment l’un de ses romans Alors, partir ? publié au Seuil en 2008 a donné source à un travail dans une classe ; les élèves ont collecté des témoignages qui permettent de dénoncer tous les lieux communs qui accablent les gitans. « Incroyable que mon livre ait pu permettre cela, j’ai beau croire en la littérature de toutes mes forces, je suis bouleversée par ce qui se passe là, grâce à une enseignante qui a su transformer les mots d’un livre que j’ai écrit. » Belle modestie car ce sont bien d’abord ses mots qui sont à l’origine de ce qui s’est mis en mouvement.

Bernadette Poulou