Paul O. Zelinsky - Genévrier (Le)


S’il n’y avait ce conte, saurions- nous encore ce qu’est la raiponce, fleur décorative et légume dont on consomme les feuilles et le tubercule au goût de roquette ? Sa mère ayant succombé à son envie irrépressible de manger les raiponces de la sorcière, celle-ci a enlevé Raiponce à sa naissance ; devenue une belle jeune fille, elle est enfermée dans une très haute tour sans issue où seuls ses longs cheveux tressés comme une corde permettent à la sorcière de se hisser jusqu’en haut pour la visiter. Ils permettront aussi au beau prince de monter jusqu’à elle… Mais la sorcière le découvre et aveugle le prince… Le conte est riche en épreuves et rebondissements, avant la paix finale. Ce conte de Grimm a en fait une origine lointaine : un conte populaire napolitain publié en Italie en 1634 raconte avec les mêmes détails l’histoire d’une Petrosinella (de petrosine, le persil) ; l’histoire arrivera en France avec la vogue des contes merveilleux au XVIIe siècle sous le titre de Persinette avant l’adaptation par les frères Grimm en 1812.Les illustrations de P.O. Zelinsky renvoient à ces origines en faisant référence à la peinture italienne, avec des silhouettes botticelliennes, robes et costumes d’époque, des paysages typiques, cyprès, villas, jardins, et ces représentations architecturales caractéristiques de la Renaissance avec damiers de carrelage, dentelles d’arcs en plein cintre et perspectives colonnaires. Chaque image rappelle par sa composition un tableau célèbre du Quattrocento. Mais elles ont également une dimension interprétative : ainsi la sorcière n’a rien de la traditionnelle mégère et, avec ses drapés bibliques et ses airs de gardienne de vertu, ne semble-t-elle pas plutôt une figure (grand) maternelle, soulignant la symbolique du conte qui dit la vaine lutte des mères pour protéger leurs filles ? Le retrait du monde et des
regards n’empêchera pas la métamorphose de l’enfant en femme. La collection Caldecott est une anthologie patrimoniale des livres d’images américains : la Caldecott Medal décernée par l’Association des bibliothécaires américains pour la jeunesse honore chaque année l’artiste qui a créé le livre pour enfants le plus remarquable ; ce livre l’a obtenue en 1998 ; la collection américaine compte environ 300 titres, 50 sont publiés en France par les éditions du Genévrier.

Claudine Charamnac Stupar