Marianna Coppo - Seuil Jeunesse


Gros coup de coeur pour cet album !
Un format carré pour abriter des illustrations sobres et délicieusement joyeuses. Une réflexion sur l’attente et l’ennui qu’elle génère. L’album démarre par une double page blanche, juste une phrase : « il était une fois une page blanche », pas de ponctuation, juste ces mots et le blanc tout autour. La suite « qui ne resta pas blanche très longtemps. ». Cinq personnages colorés apparaissent, ils ne tiennent pas beaucoup de place. Ils expriment la perplexité, marquée par trois points d’interrogation au-dessus de l’un deux. Ils ont débarqué là, sans qu’on leur demande leur avis, et cela créée une petite panique. « Où sommes-nous ? ». Les quatre plus grands regroupés sur la page de droite (toujours blanche) commencent à comprendre : ils sont dans un livre et ils attendent l’histoire pour laquelle ils ont été dessinés. Seul le petit lapin rose, avec son sac vert sur le dos, reste sur la page gauche. Le silence (blanc) s’installe. Le petit lapin propose de jouer et se fait rabrouer. Il s’installe et sort de son sac une petite plante. Les autres échangent quelques banalités. La page de droite, au gré de l’imagination du petit lapin, va s’enrichir doucement : la petite plante est devenue arbre, un oiseau se dessine sur le sol. Puis un dinosaure, d’autres oiseaux…la page droite reste vide, ponctuée
de quelques commentaires de ceux qui attendent. Au fil des pages, l’univers du petit lapin s’enrichit, et c’est un jeu de découvrir les nouveaux détails qui finissent par déborder de l’autre côté : la crotte d’un oiseau échappé du côté de l’attente tombe sur un des personnages. La tête du dinosaure passe et attire l’attention de l’un d’eux. Un nuage grossit sur la droite, au-dessus de ceux qui commencent sérieusement à s’impatienter. Tandis qu’en face, une licorne, une balançoire, une jolie cabane dans l’arbre (où s’activent des pingouins !), une foule de nouveaux détails attirent l’oeil. La débandade s’installe quand le nuage devient orage. Tous courent se réfugier du côté du petit lapin. La vie envahit les deux pages, il y a de la musique, des rires, des arcs-en-ciel, un feu de joie. Une cigogne-facteur débarque et s’excuse pour le retard : elle sort un livre de sa besace, celui que nous sommes en train de lire. Et les personnages refusent et proposent de lui raconter celle qui s’est dessinée au fil des pages que nous venons de découvrir. Et l’album se termine par la page blanche du début et la phrase : il était une fois, un page blanche…
Véritable invitation au voyage de l’imaginaire en compagnie de nos jeunes lecteurs qui se feront une joie de nous raconter une nouvelle histoire. Forcément, on pense à Pirandello et ses six personnages en quête d’auteur. L’auteur, c’est le lecteur ! Un livre à offrir sans modération !

Sophie Ducharme