Fanny Michaelis - Thierry Magnier

Illustrateur : Fanny Michaelis

Mots clés : album, conte, mer, naissance, ile

Un conte marin à la manière de Poucette

Malgré l’accord de trêve, la mer menace à nouveau d’engloutir l’ile désertée sur laquelle seul le pêcheur et sa femme enceinte s’obstinent à rester. L’espoir de contrer le destin funeste de l’ile renait avec l’attente de la future engeance. Malheureusement, l’enfant qui vient au monde déçoit les espérances du père. Pourtant, quand la mer viendra porter son coup fatal, c’est la fillette, si minuscule soit-elle, qui les sauvera. Cet album rappelle que ce sont parfois les plus petits qui font les grandes choses. Dans la lignée de Poucette, ce conte marin séduira les enfants.

Les adultes aussi, pourront y trouver leur compte et apprécier une autre lecture de l’image, et cela à plusieurs égards. En voici un éclairage :

Après son sensible et gracieux premier album Dans mon ventre, l’auteure confirme son thème de prédilection, la maternité. Ici, le pivot de l’histoire est centré sur le personnage du nouveau-né. C’est pourquoi la narration s’attarde sur la mise en scène de l’accouchement. C’est même un thème obsessionnel, ce qui participe à constituer l’univers si singulier et captivant de l’illustratrice. Tout d’abord, le duel  eau / montagne, topos des genres féminin / masculin : la caresse des vagues, puis la menace et l’acte d’engloutissement, pour aboutir à l’émergence d’une nouvelle ile, née de la secousse terre-mer et désormais irriguée par cette dernière. C’est clairement une métaphore de la conception, de la naissance, et de l’allaitement.

Les illustrations abondent en symboles évoquant la mère, génitrice en puissance (les coquillages, les fleurs, les motifs ornementaux ressemblant à des ovocytes…) et le père, figure du géniteur (la montagne, la tour, les espadons, les vers de terres, les limaces, les anguilles). D’autres détails nourrissent l’allégorie : les filets de pêche regorgeant de poissons sont pareils à des poches ventrales. A noter aussi le motif récurrent du poil (la barbe pointue et ondulante du père, la boule poilue de naissance, les cheveux infinis de la mère) qui confirme la connotation sexuée de l’image.

L’auteure-illustratrice nous offre ici le témoignage de son talent : son trait précis et audacieux se libère dans de superbes fresques au crayon de couleur. Le langage du conte est maitrisé, le texte est bien écrit. La lecture est dense, bref, il y aurait encore tant de choses à explorer ! Pauline Bestaven