Fanny Chartres - Ecole des Loisirs


Fanny Chartres a le talent de donner de l’épaisseur à ses personnages, aux lieux. Derrière la façade accueillante  du bar Sans souci, à Brest, se joue la vie d’un couple d’Argentins exilés et de leurs deux enfants. Le plus jeune, Angelo, à la suite d’une méningite foudroyante est atteint de surdité. Si le père et la soeur ont appris la langue des signes, la mère de son côté, s’obstine à penser que les implants cochléaires sont l’unique solution pour qu’Angelo s’intègre et suive un cursus scolaire « normal ». Or le jeune garçon les refuse, car trop douloureux. Sa fugue permettra de sensibiliser bien au-delà de sa famille aux difficultés auxquelles un enfant sourd est confronté. Le passé des parents, leur attachement à leur langue et à la musique, comme le milonga, seront source de résilience, les manifestations
d’amitié et d’aide un secours.
L’auteur aborde avec sensibilité et empathie, le vécu de chacun des membres de la famille, des amis aussi. Surtout, elle sait partager ce que la langue des signes contient de précision, de finesse. Elle montre comment « la main signante » est aussi une parole poétique : le geste a la beauté d’une danse, le visage devient une page où se lisent des sentiments. Ce très beau roman a le mérite aussi de faire ressentir au lecteur « le silence comme un pays ». Rien de démonstratif, une écriture légère comme une main signante.

Bernadette Poulou